L'homme au pinceau

Philibert vivait seul au dernier étage d’un petit appartement parisien. Copiste reconnu depuis maintenant 15 ans et dépressif depuis 20. Philibert se trouve sans talent, il veut bien reconnaître sa grand capacité à reproduire et c’est bien là son problème. Plus il se rapproche de ce qu’il copie, plus il se rapproche du véritable peintre et inexorablement il s’éloigne de lui. Ce qui détruit à petit feu Philibert c’est cette amputation de lui même pour nourrir l’original. D’autant que Philibert connaît son pouvoir. Ce pouvoir immense, d’autant plus immense et d’autant plus déprimant qu’il ne sait pas quoi en faire.

Depuis que sa mère est malade, il s’est juré de ne plus jamais l’utilisé. A quoi bon partir ailleurs puisque c’est ici que l’on meurt. C’est ici que sa mère meurt. Autrefois elle vivait deux étages en dessous. Chaque mercredi soir et chaque vendredi soir ils dînaient ensemble chez elle. Elle avait tout fait pour ne pas partir mais sa dernière crise l’avait plongée dans un coma dont elle ne s’était toujours pas réveillée.

Il avait fallu une visite de trop à l’hôpital pour que la vie de Philibert bascule. L’annonce d’un ultime espoir pour que Philibert passe le point de non retour. Sa mère pouvait subir une opération de la dernière chance mais moyennant une somme d’argent que ni lui ni sa mère ne possédait. Pour la première fois de sa vie Philibert décida de faire un faux. Il connaissait assez bien le réseau pour obtenir facilement de l’argent en échange d’un faux vraiment vrai.

Dire que Philibert n’a pas eu de chance est un euphémisme de la véritable guigne qui l’a suivi pendant les semaines qui suivirent sa transaction avec Bernard Lucien. D’abord il y a eu l’euphorie de la somme d’argent enfin réunie, puis le début de l’opération une semaine après. Pendant ce temps Bernard Lucien se faisait perquisitionner pour trafics de faux. Le nom de Philibert était identifié deux jours plus tard. L’arrivée des forces de police au domicile de Philibert ne tarda pas et c’est à peine quelques heures après l’annonce de l’échec de l’opération de sa mère que Philibert se retrouva fasse à un juge d’instruction en train de déballer sa misérable histoire.

Pour des raisons évidentes de mise sous silence Philibert fut mis en détention provisoire. Six jours plus tard, il recevait un coup de téléphone de son avocat commis d’office concernant sa mère. Il ne lui restait plus que quelques jours à vivre et étant donné l’affaire dans lequel il se retrouvait empêtré il n’aurait jamais l’occasion de sortir pour la revoir. Bizarrement, Philibert pris cette nouvelle avec calme et demanda à son avocat si il était possible d’avoir son matériel de peinture, une toile et une photo de la chambre de sa mère sur son lit d’hôpital le plus tôt possible. Etant donné son statut de présumé innocent, il ne fut pas difficile d’obtenir satisfaction.

20 ans que Philibert ne l’avait plus utilisé. Mais c’est comme le vélo. Il a confiance cela va marcher. L’idée de retrouver sa mère décuple sa concentration et la chambre d’hôpital commence à apparaître sur la toile. La ressemblance est confondante. 30 heures de travail plus tard, Philibert fini de peindre la chambre en prenant soin d’y rajouter ses propres pinceaux et une toile vierge. Il rangea son matériel sur le lit de sa cellule. Il se mis debout face à la toile. Il se raidit, avança, ses yeux était exorbité, au fur et à mesure qu’il approchait la toile grandissait pour atteindre la taille du porte puis il rentra dans la toile. Une fois que Philibert eu disparu la toile repris sa taille et sa forme originale. A la seule différence que Philibert apparaissait maintenant au chevet de sa mère.

Et c’était vraiment le cas. Philibert arriva par la toile vierge et alla s’asseoir auprès de sa mère. Il lui parla longuement, les larmes aux yeux, lui dit combien il l’aimait, combien la vie sans elle n’en valait plus la peine.

Puis il lui dit « je t’aime mais maintenant tu dois partir. Moi je ne vais pas tarder à te rejoindre ». Quelques instants après le cœur de sa mère s’arrêta.

Philibert se dressa devant le tableau blanc et traversa.



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L'homme au Pinceau by Sébastien Gardé est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l'Identique 2.0 France.

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